Les deux capitales les plus rapprochées du monde, séparées par le fleuve Congo, se disputent à coups d'investissements le leadership en matière de hub aérien sous-régional. Qui l'emportera ?
La taille des marchés n'est certes pas égale. D'un côté, Kinshasa et ses quelque 10 millions d'habitants ; de l'autre, Brazzaville et son million d'âmes. Et pourtant, son aéroport international Maya-Maya, d'une capacité de 450 000 passagers, accueille un bon nombre de compagnies aériennes internationales et régionales : Air France, Royal Air Maroc, Afriqiyah Airways (Libye), Ethiopian Airlines, Kenya Airways, Emirates, Asky, Air Ivoire, Air Service Gabon, Interair South Africa, tandis qu'Air Mali et Taag (Angola) y ont annoncé leur retour.
Sur l'autre rive, l'aéroport international de Ndjili, à Kinshasa, par lequel transite un million de passagers par an, est très bien desservi aussi avec Air France, Brussels Airlines, Ethiopian Airlines, Kenya Airways, Afriqiyah Airways, South African Airways, Asky. Taag, Rwandair Express et Middle East Airlines (Liban) ont exprimé leur intention de venir à Kinshasa.
Côté compagnies aériennes, le match est donc quasi nul. Reste les infrastructures et la sécurité. Sur ce plan, Brazzaville a pris une longueur d'avance. Dans moins d'un an, Maya-Maya sera flambant neuf et pourra traiter jusqu'à 2 millions de passagers par an. Une nouvelle aérogare, dotée de 5 passerelles télescopiques, construite par l'entreprise chinoise Weihai International Economic & Technical Cooperative, une seconde piste d'atterrissage de 3 300 m de long, réalisée par SGE-Congo, ainsi qu'un hôtel de grand standing réalisé aussi par les Chinois sont en cours d'achèvement. Au total, près de 150 milliards de F CFA (228 millions d'euros) investis et la possibilité d'accueillir les très gros porteurs comme l'Airbus A-380.
Manque de fonds
À Kinshasa, en revanche, hormis le pavillon présidentiel et de petits aménagements dans la salle d'enregistrement, la modernisation de l'aéroport de Ndjili, qui ne compte aucun hôtel de standing dans un rayon proche, traîne. La Régie des voies aériennes (RVA), dont la gestion est assurée par Aéroport de Paris ingénierie (ADPi) depuis fin 2008, s'était tournée vers le groupe bancaire sud-africain Absa pour obtenir un prêt de 125 millions de dollars, dont 35 millions pour réhabiliter la piste. Mais en raison d'une dette que l'État congolais avait contractée depuis 2000 auprès d'une société sud-africaine, les 2 millions de dollars déjà logés dans la banque ont été bloqués en mars 2010. Du coup, pas de prêt, et les travaux, lancés après le versement d'un acompte de 10 millions de dollars à l'entreprise française Sogea-Satom, ont été arrêtés.
La RVA a eu gain de cause à la mi-août, mais le règlement du dossier prendra du temps. En attendant, elle a engagé des pourparlers avec d'autres banques. Mais la mise en examen, début septembre, de l'administrateur délégué général de la RVA, le français Jean Assice, pour, entre autres, mauvaise gestion, doit différer les négociations. Quant à la rénovation de l'aérogare, elle a pris un an de retard, et les autres chantiers (comme la tour de contrôle) démarreront après le dépouillement, fin septembre, des réponses aux appels d'offres.
Côté sécurité, c'est encore Maya-Maya qui l'emporte grâce, notamment, à de fréquentes visites de l'Organisation de l'aviation civile internationale (Oaci) pour mettre en place des standards internationaux. À Kinshasa, malgré des améliorations, la sécurité de l'aéroport et des avions laisse à désirer. Un projet de loi réglementant le transport aérien a certes été élaboré, mais il faudra environ un an avant sa promulgation. Et que dire de son application sur le terrain ! De quoi ravir Brazzaville.